Friday 28 May 2010

“Le latin reste la langue de l’Église. La langue latine, « par droit et par mérite acquis, doit être appelée et est la langue propre de l’Église », disait déjà saint Pie X (Vehementer sane, Lettre de la Sacrée Congrégation des Études, 1er juillet 1908). D’ailleurs tous les souverains pontifes de notre temps, émus d’une certaine décadence des études latines, n’ont cessé de le répéter : « Qu’il n’y ait aucun prêtre qui ne sache la lire et la parler avec facilité et aisance » (Pie XII, disc. Magis quam, A.A.S. 23 sept. 1951). La Constitution apostolique « Veterum sapientia » de Jean XXIII (A.A.S. 22 février 1962) est spécialement destinée à rappeler cette vérité. Enfin la Constitution conciliaire de Vatican II sur la Liturgie précise que « l’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé dans les rites latins » (art. 36, § 1).
Ce serait donc une inconvenance ridicule et même un contresens de vouloir entreprendre ce qui semblerait une sorte de plaidoyer en faveur d’une langue supposée sur le point d’être condamnée à mort. S’il convient d’étendre l’usage du français et des autres langues modernes dans la liturgie, pour faire participer plus intimement le peuple fidèle au culte divin, si l’Église ouvre largement ses bras au monde moderne de l’Orient à l’Occident, elle plonge aussi ses racines et va chercher sa vie, à travers la tradition, jusqu’à sa source qui est la Parole de Dieu. Pour lire l’Écriture, un jeune clerc peut-il se contenter d’une traduction sans aborder les textes originaux de ce que l’on appelle « les langues sacrées » ? S’il n’a pas eu le temps matériel de lire de nombreuses pages de la littérature patristique, doit-il se contenter, pour les textes liturgiques avec lesquels il est journellement en contact, d’une connaissance approximative et purement machinale ?
Ce que nous disons du clergé peut s’appliquer aussi aux religieuses de plus en plus nombreuses à s’initier à la prière latine, ainsi qu’aux laïcs cultivés qui s’intéressent, à ce point de vue, à la vie de l’Église. Depuis un demi-siècle, le « latin chrétien » a été étudié plus sérieusement par les philologues, et le préjugé a disparu qui le regardait comme une simple manifestation de la littérature latine en décadence. L’ignorance allait jusqu’à le confondre avec le bas-latin (Voir « Le style chrétien », Manuel du latin chrétien, Ire Partie). En réalité, il faut bien constater que le christianisme a renouvelé le latin, qu’il a donné une nouvelle vie à la langue latine en spiritualisant son vocabulaire. Or l’essentiel de cette richesse est contenu dans les différentes sortes de textes liturgiques. Nous nous adressons donc à ceux qui, sans la connaître complètement, ont senti la noblesse de cette langue chrétienne, et ont à cœur d’en approfondir l’étude avec le sérieux, le respect et la vénération qui lui sont dus. Car il s’agit, oserait-on dire, d’une sorte de « troisième Testament ». Parmi les différents mystiques du mot testamentum, envisageons celui-ci: « témoignage, attestation ». Dans l’Écriture sainte, en effet, nous trouvons ce que Dieu a attesté à son propre sujet (Deo testante de se, Hilar. Trin. 1, 5), ou ce que l’écrivain inspiré a attesté du sujuet de Dieu. Or pourrait-on dire qu’après le Nouveau Testament, il n’y a plus d’ « attestation », alors que Jésus a dit à ses disciples : « Je serai avec vous jusqu’à la fin des temps », et aussi : « Je vous enverrai le Saint-Esprit » ? C’est pourquoi, dans le latin liturgique, même en dehors des textes bibliques, on doit reconnaître le « témoignage » de la foi de l’Église, le reflet de sa croyance, tel qu’elle nous l’a « légué » au cours des siècles, le « testament » dont elle nous a confié le dépôt, dans sa prière et dans sa vie.”

Albert Blaise, Préface from "Le vocabulaire latin des principaux thèmes liturgiques", Ouvrage revu par Dom Antoine Dumas O.S.B., Brepols, n. d.

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